Une catastrophe maritime à l'entrée du Bosphore



Perte du vaisseau egyptien
le Muphtahi- Djehat

Journal de Constantinople - Pascal Kainic



 


Un désastre regrettable sous tous les rapports vient de frapper la marine égyptienne.

Dans la nuit du 29 au 30 octobre 1854, deux bâtiments de la flotte d'Alexandrie, le vaisseau à trois ponts "Muphtahi-Djehat", commandé par l'amiral Hassan Pacha, et la frégate "Bahiré", revenaients des côtes de Crimée pour entrer dans le Bosphore, lorsqu'au plus fort de la tempête qui sévissait dans la mer Noire, ils firent naufrage sur les côtes de Roumélie.

A huit heures du soir, la frégate fut jetée sur la pointe de Kara-Bournou, qui s'avance dans la mer à deux heures des premiers forts qui gardent  l'entrée du Bosphore. En moins d'une heure, elle fut mise en pièces, et de l'équipage, composé de 400 hommes environ, 130 seulement ont pu se sauver à la nage et sont arrivés plus tard à l'arsenal, où tous les soins leur ont été donnés.

Quant au vaisseau de ligne que la frégate avait vu quelques heures encore avant la nuit, on n'en avait aucune nouvelle et on pouvait espérer qu'il aurait pu échapper aux violences d'une tempête presque sans exemple, lorsque hier est arrivée à l'amirauté la triste nouvelle qu'il avait été brisé sur la côte, près d'Entada, port à égale distance de Constantinople et de Varna.

Sur 900 hommes, 205 ont pu échapper à la mort, et nous avons la douleur d'apprendre  que l'amiral Hassan-Pacha a péri avec le reste de l'équipage du vaisseau, dont on n'a pu retrouver le moindre débris. Ce désastreux évènement est des plus déplorables et ne peut qu'augmenter encore les vives sympathies qu'a méritées l'Egypte par sa fidélité envers le sultan, par son admirable empressement à mettre toutes ses ressources en argent, soldats et navires à la disposition de la Sublime-Porte, pour contribuer à repousser l'odieuse agression de la Russie.

La perte du Muphtahi-Djehat est doublement douloureuse, car ce vaisseau était monté par Hassan-Pacha, dont la mort causera d'unanimes regrets. C'était le chef le plus distingué de la marine égyptienne; par son instruction, sa bravoure et son affabilité parfaite, il s'était acquis de nombreux amis, ainsi que l'estime des chefs des flottes alliées.


Crimée

Guerre de Crimée, arrivée de la flotte au Pirée, le 26 mai 1854 (Musée de la marine)



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