Perdu à tout jamais dans les profondeurs de l'Atlantique: Le Beaufort Castle

 

 

Engloutissement du navire anglais Beaufort-Castle

d'après plusieurs sources imprimées - Pascal Kainic




Le "Beaufort Castle", de 400 tonneaux,  était parti de Boni, sur la côte d'Afrique, à la fin de septembre 1828, avec trente hommes d'équipage, ainsi qu'une riche cargaison de gomme, de bois et de l'or.

Dans les premiers jours d'octobre, il fut assailli par un violent coup de vent qui le désempara de toute sa voilure et d'une partie de sa mâture. Ce bâtiment fatigua à tel point dans cet ouragan, qu'une voie d'eau se déclara, et un coup de mer qui tomba en grand à bord le fit couler  entre deux eaux. L'équipage déjà exténué de fatigue, se réfugia dans les hunes pour éviter une mort certaine. Il est difficile de se faire une idée de la position cruelle de ces malheureux marins ! Exposés dans les hunes de leur navire, sans provisions et sans vêtements, menacés à chaque instant d'être enlevés par les lames  qui venaient se briser sur les mâts; tout ce qu'il est possible d'imaginer d'angoisses se réunit pour accabler, au milieu d'une mer furieuse, ces infortunés luttant continuellement contre les vagues qui les arrachaient les uns après les autres des bras de leurs camardes.

 Vingt-deux marins périrent dans ce terrible naufrage, les huit autres, s'étant amarrés, résistèrent à toutes ces secousses, et attendaient dans la plus grande anxiété la rencontre de quelque navire. Le 8 octobre, le brick français "le Cotonnier", de Rouen, capitaine Patin, allant de cette dernière ville à Charleston, se trouvant à peu près dans ces parages, essuya le même coup de vent.

Dans la matinée, le  "Beaufort Castle" naviguait sous toutes les voiles avec beau temps. Vers midi, le vent commença à fraichir; le capitaine fit serrer les perroquets
(1). L'après-midi, il augmenta sensiblement; on pris tous les ris (2) dans les huniers (3); à peine étaient-ils bordés et hissés que l'ont fut contraint de serrer toutes les voiles, excepté le grand hunier et le petit foc (4). Le navire fuyait vent arrière. Le vent prenait plus d'intensité, et ne voulant pas larguer le grand hunier de peur de le perdre, on résolut de le carguer; mais il n'y eu que les ralingues (5) qui se rendirent à la vergue (6)...

La mer était tellement grosse qu'elle passait par dessus le navire. Trois hommes étaient à la barre; mais le navire faisant des langes de plusieurs quarts d'eau, il vint un coup de mer qui submergea le beaupré
(7) qui venait de se rompre. Le contre coup cassa le mât de misaine (8) à quatre pieds au dessus du pont. Le grand mât tomba en vrac sur le pont, rompu à deux pieds au dessus du jottereau (9); en moins de dix minutes le navire fut ras comme un ponton... Le navire resta trois jours dans ce triste état, fuyant seulement sous un petit foc qui avait été installé en guise de pouillouse (10)
.

Le 12 octobre, la mer était moins grosse, et le vent s'étant calmé, , on fit des lignes, et, avec le pic et la vergue de hune de rechange, un mât que l'on mit en place; deux mâts de cataquois et deux vergues de bonnettes servirent à faire une vergue, un hunier y fut placé, et forma une espèce de misaine.

Vers sept heures du soir, l'équipage du "Cotonnier" étant à souper, les hommes en vigie crurent entendre plusieurs voix dans l'obscurité. On ne voyait cependant pas de navire vers le point d'où partaient ces cris; tout le monde prêta l'oreille, et l'on entendit très clairement les voix de plusieurs personnes qui demandaient du secours. Un instant après, le choc des vagues qui semblaient se briser contre quelqu'objet fixe, attira l'attention de tout l'équipage; les malheureux naufragés qui apercevaient le brick redoublaient de leurs cris pour ne pas laisser échapper cette heureuse rencontre.

Enfin, "le Cotonnier" courant toujours vers le point où se brisait la mer, l'équipage entendit très distinctement appeler au secours, et l'on découvrit, malgré l'obscurité, les mâts d'un navire entre deux eaux, et des hommes cramponnés dans les huniers. La mer était très grosse et ils manquaient d'embarcations pour venir à bord du brick, qui n'avait rien d'installé pour mettre la chaloupe à la mer, puisqu'il était entièrement démâté; mais le désir d'arracher des hommes à une mort certaine l'emporta sur le danger qu'il y avait à courir.

Tout fut préparé en un instant par l'équipage, qui redoubla de zèle et d'activité dans cette circonstance difficile. Un homme descendit dans l'embarcation pour la vider; car elle faisait déjà beaucoup d'eau, et quatre autres bordèrent des avirons pour aller chercher les naufragés.

En approchant, ils virent des malheureux qui n'avaient plus la force de se faire entendre autrement que par des signes; ces huit marins étaient restés cramponnés dans les hunes au moment de la submersion du "Beaufort Castle". On les transporta demi-morts à bord du "Cotonnier", et le capitaine Patin s'empressa de leur prodiguer tous les soins que réclamait leur état de faiblesse...

Le ministre de la marine s'est empressé de porter cette action honorable à la connaissance de sa Majesté, qui, par ordonnance , a nommé M. Patin chevalier de la légion d'honneur.

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1) Voile carrée, gréée au-dessus des huniers sur le mât de perroquet surmontant le mât de hune ; elle est manœuvrée à l'aide de deux écoutes, de deux cargues-points, d'une cargue-fond, de deux boulines, de deux balancines, de deux bras et d'une drisse.

2) Partie d'une voile destinée à être repliée sur une vergue ou sur une bôme à l'aide de garcettes de ris. Selon le type de gréement, les ris sont pris dans la partie haute de la voile (voile carrée) ou dans la partie basse (voile aurique ou bermudienne), du côté de la ralingue de bordure.

3) Voile carrée fixée à la vergue du mât de hune, qui surmonte le bas-mât d'un navire à voiles. Suivant les mâts sur lesquels ils sont gréés.

4) Voile triangulaire de l'avant, établie entre le beaupré et le mat de misaine et envergué au un étai ou à une draille spécialement gréée à cet effet. Selon la taille du bout-hors, les voiliers peuvent avoir quatre, cinq, voire six focs

5) Cordes qui sont cousues en ourlet autour des voiles pour en renforcer les bords.

6) Espar établi horizontalement en travers des mâts. Les vergues sont généralement d'une seule pièce, cylindriques et effilées à leurs extrémités. Taillées dans le sapin ou, vers la fin du XIXe siècle, construites en acier, elles pouvaient mesurer jusqu'à 25 m de long.

7) Espar qui pointe à l'avant des voiliers, généralement dans l'axe au-dessus de l'étrave, parfois légèrement en abord, avec un angle variable. Autrefois qualifié de mât, il n'a cependant jamais été compté comme tel : un trois-mâts a trois mâts et un beaupré.

8) Le mât de misaine désigne le mât placé à l'avant (donc devant le grand mât) sur une goélette (voilier à deux mâts dont le grand mât est situé à l'arrière, à l'inverse du ketch, sur lequel le grand mât est situé à l'avant).

9) Pièces de bois latérales, assemblées de part et d'autre contre le mât, au-dessous du capelage, sur lesquelles reposent les élongis.

10) Grand-voile d'étai, appelée parfois charbonnière (située au-dessus de la cuisine, elle était toujours sale), entre le grand-mât et le mât de misaine d'un grand voilier. Autrefois, voile en très forte toile, utilisée dans le mauvais temps.



Quand à la riche cargaison d'or du "Beaufort castle", elle a bien entendue été engloutie, peu après le sauvetage des hommes, dans les profondeurs de l'Océan Atlantique...

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Un navire en détresse dans la tempête



 




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